M. ALBERT THOMAS

	Le Directeur du Bureau international du Travail n'est pas le premier venu. D'origine
modeste, il conquit, grâce à une bourse officielle, ses grades universitaires, fut reçu à l'École
normale supérieure; fut député de la Seine et du Tarn et sous-secrétaire d'État aux armements
pendant la guerre.
	Jaures disait un jour dans les couloirs du Palais-Bourbon: "C'est notre Millrand."
	Il fut longtemps l'espoir du parti. Il en était alors le théoricien.
	Écrivain réputé, il retraça dans l'Information l'histoire socialiste en une série d'articles
qui furent remarqués.
	Longtemps avant qu'il fût appelé au Gouvernement par M. Millerand -mais oui, par Monsieur
Millerand, vous avez bien lu- on pressentait qu'il accomplirait une carrière ministérielle.
	Il était de cette espèce de socialistes qui doivent naturellement arriver au pouvoir:
MM. Millerand, Briand, Viviani, lui avaient donné l'exemple et montré le chemin; militant plus
discipliné, il demanda et obtint l'autorisation de son parti.
	Nommé sous-lieutenant au début de la guerre, ce n'est pas dans une gare régulatrice qu'il
pouvait donner sa mesure.
	Sous-secrétaire d'État, il se rendit compte rapidement de l'insuffisance de nos arsenaux,
de la nécessité de la fabrication à outrance et du retour à l'usine des ouvriers.
	Il accomplit pendant plusieurs mois un important labeur. Il s'attacha M. Claveille, il
s'attacha surtout M. Loucheur, un industriel aux vastes idées, aux grandes initiatives, d'activité
dévorante autant que réfléchie.
	Sous-secrétaire d'État, ministre, ambassadeur en Russie, Albert Thomas réussit dans toutes
ses missions et peu s'en fallut qu'il ne devînt Président du Conseil.
	Les minoritaires de son parti, devenus majoritaires, lui ont reproché... d'abord d'avoir
été ministre, ou peut-être de ne plus l'être, d'être resté intransigeant sur la question
d'Alsace-Lorraine, d'avoir négligé les ouvertures de paix faites par l'Autriche, enfin de s'être
rallié à la fraction des Quarante.
	En tout cas, il avait prévu le mouvement révolutionnaire russe et on eut tort de ne pas
écouter ses conseils.
	M. Albert Thomas préside aujourd'hui avec une autorité grandissante le Bureau
International du Travail. Nous le verrons certainement un jour à la tête du Gouvernement de
la France.