M. PAINLEVÉ

	Paul Painlevé! Ce nom était depuis longtemps inscrit dans le coeur de bien des démocrates,
et l'heure de la justice immanente qui sonne pour les hommes comme pour les peuples, vient d'en
faire un symbole de foi laïque et sociaale.
	Parisien de Paris, il débute à l'école communale de la rue du Four, révélant vite ses
qualités exceptionnelles.
	A Saint-Louis, il remporte tous les prix ainsi qu'à Louis le Grand. Lauréat au concours
général, normalien, il professait à vingt-trois ans, à la Faculté des Sciences de Lille et,
à vingt-huit ans, en Sorbonne.
	En 1900, l'Académie des Sciences l'appelait dans son sein. Élu député de Paris en 1910,
il passa vite de la rue de Grenelle à la rue Saint-Dominique et devint Président du Conseil des
Ministres.
	M. Paul Painlevé a eu l'honneur de préconiser la concentration de la flotte française dans
la Méditerranée, ainsi que le projet d'incorporation à 20 ans, qui donne à notre armée un renfort
de 180.000 hommes.
	Il s'attacha dans ses diverses fonctions à donner une impulsion féconde à l'activité de
nos ingénieurs et de nos savants.
	Propagandiste de l'aviation, il demandait une flott de mille avions.
	Il nommait Foch et Pétain, réclamait instamment l'aide américaine et envoyait six divisions
au délà des Alpes, le lendemain de Caporetto.
	M. Édouard Herriot lui écrivait à ce moment: "Vous avez bien mérité de la Patrie."
	Les heures tragiques de 1917 sont présentes à toutes les mémoires. C'est alors que le
Président du Conseil, en butte à toutes les attaques et aux méfiances des réacteurs de tout acabit
-malgré son idéologie qu'on veut bien reconnaître généreuse- donne la mesure de son ardeur
patriotique.
	L'admirable défense qu'il a écrite dans son beau livre: Comment j'ai nommé Foch et Pétain,
répond à tous ceux qui ont voulu faire jouer au ministre de la Guerre d'alors un rôle suspect.
	Dans ses nombreuses conférences, le président de la Ligue de la République s'attacha à
montrer au peuple comment, sans entraver l'initiative du commandement, il put épargner des
milliers de vies françaises. La simplicité de son ton, l'accent de vérité qui se dégage de toute
sa personne, lui valurent des triomphes oratoires bien supérieurs à ceux dela poignée de robins
madrés qui cherchaient à le perdre.
	La démocratie française, dont le clair bon sens se révèle vite, sortait d'un double
cauchemar (la guerre et l'incohérente stérilité du bloc soi-disant "national") et se devait de
traduire son sentiment par un acte de réhabilitation. Elle l'a fait avec éclat, en donnant au
plus modeste et au plus glorieux de ses enfants une victoire décisive.
	Le parlement, image fidèle de la conscience républicaine, vient de corroborer cet acte,
en l'appelant à présider ses débats. Le vote émis à l'égard de ce savant universellement admiré,
de ce lettré profond, de ce grand honnête homme, honore le parlement autant que l'esprit français.
	Ah! il lui coûtera de ne plus sonner à la lourde porte de chêne sculpté du vieil hôtel
renaissance de la rue Séguier, de renoncer à monter les trente marches qui le conduisent à son
cabinet de travail, qui n'a que des livres pour parure! Tour d'ivoire qu'il a bien voulu quitter
pour l'action politique. Qu'il en soit remercié!
	Saluons l'homme qui, dédaigneux du chemin de l'intrigue, a délibérément choisi le chemin
de la justice; qui, de haut, sut regarder fleuve frangeux dans sa course inféconde. Reprenant le
fier mot Jaurès devant la réaction ameutée, il aurait pu pourtant s'écrier aussi: "Ne m'injurie
pas qui veut!" Painlevé a foi en la justice, comme en la démocratie dont est issu.
	"Une démocratie ne peut vivre sans générosité", s'écriait-il dans son disouurs
présidentiel.
	Cela révèle l'homme qui, par son intensive campagne de conférences à travers le pays a
pu réveiller l'esprit républicain et pour qui se lève, enfin, le jour de gloire!
	Son nom restera sur les lèvres de tous ceux qui n'ont jamais séparé dans leur coeur
l'amour de la France et de la République.