M. GEORGES MANDEL

	Triomphateur des élections de 1919, le vaincu de 1924, l'ancien collaborateur de Clémenceau,
a déjà un passé politique considérable.
	On vit un jour arriver au journal l'Aurore un jeune homme de 17 ans, à la figure mince,
en lame de couteau, correct, élégant, "parlant" tous les articles qui devaient paraître le
lendemain.
	Il s'appelait Georges Rothschild, son père était tailleur rue de Trévise. Il prit le
pseudonyme de Georges Mandel.
	Persévérant, assidu, dévoué, il s'imposa à la Direction. Il conquit Clémenceau lui-même,
qui n'était pas d'un abord facile, le suivit dans sa bonne ou mauvaise fortune, et devint au
pouvoir son Éminence Grise.
	Coutois, mais précis, volontaire, il dicta longtemps les volontés présidentielles. Ayant
acquis l'expérience de la vie politique, connaissant les hommes, ne professant pour ses semblables
qu'une estime mesurée, la mauvaise qualité de l'encens a dû lui dessécher le coeur et Georges
Mandel a eu une curieuse carrière.
	Quoique non normalien, son talent, sa culture sont incontestables.
	Sa seconde qualité maîtraisse, c'est la volonté, une volonté tenace, un peu trop
intransigeante, mais réelle qui vaincra les obstacles.
	Malheureusement, il fait souvent succéder à d'heureuses initiatives de fausses manoeuvres
qui lui sont nuisibles, par exemple le coup de la candidature de M. Clémenceau à la Présidence
de la République.
	En politique, le plus court chemin d'un point à un autre n'est pas la ligne droite.
	Son esprit géométrique manque de géométrie.
	Parlementairement, il a un autre défaut: il est systématiquement agressif contre son
adversaire.
	Avec cet ensemble de qualités et de défauts, M. Mandel ne devait pas rencontrer beaucoup
de sympathies au Palais-Bourbon.
	Dans ce temple de la parole on se tutoie assez facilement; on se tutoie, on s'embrasse,
on se meprise, tout cela le plus gentiment du monde.
	M. Mandel ne tutoie personne. Il n'a pas le genre de la Maison. On le lui fait sentir.
	Il faut ajouter que les radicaux~socialistes ne lui ont jamais pardonné leur défaite
du 16 novembre; ils ont gardé à cet homme une rancune très compréhensible.
	Ses débuts à la tribune furent assez difficiles et marqués par de beaux chahuts.
	Depuis, M. Mandel avait su conquérir le droit de parler. Il avait montré, lors de son
fameux discours sur le Vatican un "cran" qui lui conquit des applaudissements inattendus.
	Il se sert de sa mémoire prodigieuse pour rappeler à quelques intempérants les services
rendus et finit par enlèver le morceau.
	M. Mandel est aujourd'hui à la retraite, retraite provisoire.
	On dit qu'il s'est laissé "rouler" par l'archevêque de Borleaux qui, pourtant, lui avait
graciusement offert tous les atouts dont son prédécesseur, l'abbé Bergey, a bénéicié.
	Nous reverrons bientôt M. Georges Mandel à la Chambre des Députés.
	Il nous excusera de lui avoir, par anticipation, réservé une place dans cette Galerie
qui ne contient que des élus.