M. GASTON DOUMERGUE

	M. Gaston Doumergue a été élu Président de la République en l'an de grâce 1924.
	Un de ses amis d'enfance lui glissait un jour dans le tuyau le l'oreille: "Gastounet,
tu seras Président."
	Et le bon député du Gard souriait, indifférent et sceptique, ayant peut-être au fond du
coeur cette ambition fixe, mais sachant la dissimuler avec les mille ressources d'un esprit
ingénieux.
	Sa carrière politique est assez remplie.
	Il débuta par le portefeuille des Colonies en 1902, dans le Cabinet Combes.
	M. Sarrien lui confiait le commerce en 1906. Il le garda pour Clémenceau. En 1909, le
voici à l'Instruction publique. En 1915, M. Briand l'appelait aux Colonies, où il resta jusqu'en
1917. Le député du Gard avait l'oreille de la Chambre et les Gouvernements successifs étaient
enchantés d'avoir dans leur sein un radical bon teint qui ramenait souvent les voix timides
de gauche.
	Son passage au Sénat le désigna tout de suite à l'attention de ses collègues qui le
nommèrent dans les grandes Commissions.
	Il fut élu sans difficulté Président du Sénat lorsque Léon Bourgeois se démit.
	M. Caston Doumergue a occupé toutes ces hautes fonctions avec un rare bonheur.
	Ce Méridional cordial, familier, a fait montre d'une vigilance, d'un sens pratique, d'un
tact, d'un sens de l'opportunité qui s'imposeraient aux plus retors.
	Au pouvoir, son activité se manifestait dans toutes les directions et il donnait comme
mot d'ordre: "Ne rien laisser traîner."
	Avec cela d'une modestie qui lui conquit vite les journalistes avec qui il s'entretenait
gentiment, toujours avec cette réserve: "Pas un mot de moi, surtout, n'est-ce pas!"
	M. Gaston Doumergue est un homme qui sut attendre: grande qualité à cette époque de fièvre
intense.
	Aussi quand se posa devant l'Assemblée Nationale la question présidentielle, par suite du
départ un peu forcé de M. Millerand, malgré les mérites et le prestige de M. Painlevé, le
Président du sénat parut tout qualifié pour entrer à l'ÉIysée et il y trouva l'actif concours
de M. Poincaré autant que de M. Bienvenu-Martin: l'unité de sa vie républicaine était
incontestable et son élection avait l'air d'un couronnement de carrière tout naturel.
	M. Gaston Doumergue gardera la Constitution avec fermeté.
	Cet homme au clair bon sens, exemple vivant de la démocratie, accomplira sa tâche avec
le sourire qu'on lui connaît et sera demain l'homme le plus populaire de France:
ce sera justice.