M. HENRY CHÉRON

	On l'appelle la "fée barbue", le "Gambetta normand".
	Il s'accommode de tout et ne tient pas plus à une épithète qu'à l'autre, pourvu qu'il
soit au pouvoir.
	Tout est important chez ce diable d'homme: sa démarche, sa serviette, ses mots.
	Entré difficilement au Parlement, il devint vite député, sénateur et, par la grâce de
Clémenceau, sous-secrétaire d'État à la Guerre, à la Marine, où il visitait inopinément les
casernes et les bateaux.
	Son élection au Sénat comme républicain de gauche fit jaser un peu. Que celui qui n'a
jamais évolué lui jette la première pierre!
	A la Haute-Assemblée, M. Chéron se révéla financier.
	Son rapport budgétaire à la Chambre l'avait mis en vue; ici il tonne éloquemment,
passionnément, contre les relèvements injustifiés, et dénonce le déficit en des discours émouvants.
	Ministre du Travail; il devint ensuite Ministre de l'Agriculture, exaltant la terre,
richesse de la France; s'efforçant de concilier, avec une bonne volonté évidente, les intérêts
les plus divers et les plus opposés, faisant une politique vraiment conservatrice et nationale.
	Le résultat tangible de cette politique se traduit par le paiement à quelques sous de plus
pour notre pain quotidien. Il paraît que c'est la rançon de la stabilité du pays.
	Si cela est vrai, nous ne le payons pas trop cher.
	Tout de même, il est permis de souligner que la vie chère est devenue, depuis son passage,
plus angoissante et que nous n'en voyons pas la fin...
	M Poincaré subit longtemps son collègue, jusqu'au jour oû il eut l'occasion de le jeter
par-dessus bord et cela fut fort sensible au ministre normand.
	On rappellera longtemps le fameux dîner de la rue Royale, auquel assistaient tous les
exclus, au cours duquel M. Chéron reprocha sans aménité à son ancien chef la brutalité
de son débarquement.
	M. Chéron se fait consolation en revivant les phases de son passé très rempli et, comme
il a de l'entregent, vous verrez qu'il trouvera moyen de se faufiler, à l'avenir, dans une
combinaison normande, ni trop à gauche, ni trop à droite, au prochain ministère de concentration.
	Sa sensationnelle et courageuse intervention en faveur de M. Malvy ne peut que l'y aider.